Nous avons fêté le 50e anniversaire de la fondation de Vidéo Femmes en 2023, le 40e anniversaire de Spirafilm en 2017 et cette semaine nous soulignons le 10e de la fusion des deux organismes sous l’identité Spira. Vous êtes un peu perdu.e? Revenons ensemble sur la genèse de notre coopérative cinématographique indépendante comme nous la connaissons aujourd’hui.

Un texte de Sevia Pellissier

Tout commence en 1973 à Québec, avec la fondation d’un organisme qui met de l’avant « les filles des vues » et qui devient rapidement Vidéo Femmes (VF). Trois femmes se réunissent après la tenue du festival Le film et la femme à Québec dans le but de faire ce qu’elles appellent des vidéos. Véritables pionnières dans leur domaine, elles produisent et diffusent pendant des années le travail des femmes québécoises et s’intéressent particulièrement aux enjeux qui les concernent.

Moins engagé que sa contrepartie féministe, l’organisme Spirafilm se spécialise dès sa création en 1977 dans la production cinématographie et audiovisuelle à Québec. Contrairement à VF qui fait davantage dans le film expérimental et la vidéo d’art, Spirafilm produit de la fiction.

Vers une fusion nécessaire

Dans les années 2000, le climat politique change et l’on sent un désintérêt pour les causes féministes au Québec. À son entrée en poste à la direction générale de VF en 2012, Catherine Thériault doit faire un constat : les membres de la coopérative ne veulent plus être identifiées comme des artistes femmes, et revendiquent le droit légitime d’être reconnues pour leur travail et non leur genre. Tranquillement, VF se rapproche de Spirafilm et commencent à mutualiser leurs ressources. L’idée d’une fusion entre les deux entités apparaît, et les directions générales entament une grande discussion afin de « consolider le milieu du cinéma indépendant à Québec ». 

C’est à l’hiver 2015 que la fusion s’officialise avec comme principal mandat de conserver l’héritage des deux entités dans cette union. Comme l’indique Catherine Benoit, directrice générale de Spirafilm, puis de Spira tout court, de 2009 à 2022, la fusion a été avant tout une « mise en commun de valeurs ». Nous inscrivons à même les règlements généraux de l’organisme sa volonté de rester un espace pour les femmes : Spira se dote d’une règle novatrice l’obligeant à constituer un conseil d’administration paritaire avec un minimum de quatre femmes qui y siègent. 

Grandir ensemble

D’un même souffle, Catherine Thériault prend la tête du tout nouveau département de distribution de l’organisme, alors que Catherine Benoit conserve la direction générale. Cette dernière nous rappelle à quel point l’apparition d’un distributeur en région a créé une vague de changement pour l’organisme et ses membres. Du jour au lendemain, de grosses pointures du cinéma indépendant s’intéressent à la Ville de Québec et on voit des projets distribués par Spira s’illustrer un peu partout. C’est le cas du court-métrage L’enfer marche au gaz! de Martin Bureau, produit dans le cadre du Projet 5 courts de Spira et de l’ONF, qui a circulé dans une vingtaine de festivals à travers le monde, et de Roberta, un court métrage de Caroline Monnet distribué par Spira et sélectionné aux prix Écrans canadiens en 2015.

La nouvelle équipe travaille pendant plus d’un an à l’archivage de la collection de Vidéo Femmes. Les œuvres produites pendant ces 40 ans d’existence étant encore sur pellicules, mini DV et autres supports rendus désuets par le temps, elles sont numérisées puis envoyées à la Cinémathèque afin d’être conservées. Dès la première année de fusion, Spira augmente considérablement le nombre de productions qu’il soutient. Nous passons ainsi d’une trentaine de projets avant la fusion à 42 pour 2015-2016.

L’année suivante, Spira s’exporte un peu partout et des partenariats internationaux sont solidifiés. Un membre et la directrice générale s’envolent vers Haïti pour donner une série de conférences et accompagner un artiste dans la création d’un organisme de distribution en cinéma semblable au nôtre. Grâce à l’excellent travail de l’équipe, la notoriété de l’organisme augmente radicalement au fil du temps. Nous en profitons pour multiplier nos interventions politiques afin d’obtenir plus de financement pour la création de courts-métrages et de webséries à Québec. Dans la même lignée, Spira devient en 2020 responsable du nouveau programme de Première Ovation en cinéma. 

Le fruit de l’union

C’est par le biais des laboratoires que la cinéaste Anne-Marie Bouchard découvre en 1997 VF avant de joindre son conseil d’administration en 2005. Selon celle qui est membre de la coop depuis bientôt 30 ans, les projets de création collectifs comme les labos ont permis à la communauté du cinéma de Québec de « rester vivante » en maximisant les possibilités de travail et de rencontre pour les professionnelles du milieu. Dix ans plus tard, l’héritage de Vidéo Femmes se fait encore sentir chez Spira, qui reprend encore cette année la formule des Laboratoires de création avec une nouvelle cohorte de réalisatrices émergentes.

Nous souhaitons souligner que la fusion des deux organismes a apporté à la Ville de Québec un espace de rassemblement et a permis de solidifier la communauté cinématographique d’ici. Pour reprendre les mots Catherine Benoit alors qu’elle réfléchissait à son leg : « En 2025, la communauté, on en a besoin plus que jamais ».

 

1 - Une longue entrevue dans laquelle Julia Minne rencontre les trois fondatrices, Helen Doyle, Nicole Giguère et Hélène Roy, est disponible sur le site de la Cinémathèque pour celleux qui voudraient mieux comprendre l’avènement de VF dans les années 70. 

2 - Par exemple, l’organisme appuie dans les années 80 le film Le gros de la classe de Stella Goulet et de Jean Bourbonnais, qui remporte un prix Gémeaux et devient le court-métrage le plus rentable au Canada pendant plusieurs années. Des détails intéressants à ce sujet se trouvent dans le spirascope de 2017, qui a été édité spécifiquement pour le 40e anniversaire de Spirafilm. 

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