Justice Rutikra, jeune réalisateur québécois d’origine rwandaise, change peu à peu le paysage cinématographique de la province avec sa touche unique ainsi que son regard particulier sur l’identité et l’intégration.
Un article de Ben Yahaya Coulibaly

Des débuts en réalisation marqués par la passion
Arrivé au Québec à l’âge de trois ans et demi, Justice a toujours démontré un grand intérêt pour le cinéma : « déjà très jeune, se souvient-il, mon père disait que j’étais très emballé par les écrans, la télévision, le cinéma ». Cette passion précoce s’est transformée en vocation, alimentée au fil des années par un désir de comprendre et de partager son héritage : « j’avais en moi cette fascination de raconter, puisque mes parents ne me parlaient pas de notre passé et de notre culture », explique-t-il.
Un parcours atypique au service du cinéma
« Je ne voulais pas faire des cours de cinéma. Je voulais être un petit peu différent », explique Justice en évoquant son parcours. Désireux de comprendre l’histoire de l’humanité, il s’est particulièrement intéressé aux événements survenus au Rwanda, pays que ses parents avaient fui.
C’est cette volonté de concevoir le monde qui l’a conduit vers un baccalauréat en études internationales, qu’il jumèlera plus tard à sa pratique de cinéaste : « j’essayais finalement de raconter des histoires, donc de raconter qui nous sommes à travers beaucoup de symbolisme et de métaphores », explique-t-il.
Des films qui déconstruisent les préjugés
Son documentaire La cité des autres, tourné dans le plus grand HLM de Québec, Saint-Pie X, est un exemple parfait de cette approche. Le film cherche à balayer les préjugés sur les communautés immigrantes vivant dans les habitations à loyer modique : « l’idée du film était de montrer cet endroit comme un endroit paisible, comme un grand parc, avec toute sa végétation et les enfants qui s’y promènent », explique Justice.

Le réalisateur affirme fièrement que le documentaire a eu l’effet escompté : « Aux dernières nouvelles, le film a été vu par des centaines de milliers de personnes, et plusieurs d’entre elles me rapportent à quel point leur vision du milieu a changé ».
Justice Rutikara ne se contente pas de documenter la réalité, il cherche activement à la transformer. Son travail vise surtout à remettre en question les stéréotypes négatifs souvent associés aux communautés noires et immigrantes, « une nécessité de devoir contribuer aussi à un changement de mentalité et de perception des gens », selon lui.
Son prochain projet, un long métrage de fiction intitulé Au cœur des étoiles, promet d’être une continuité de l’exploration de ces thèmes, une « suite logique de La cité des autres, mais d’une manière plus spectaculaire », révèle Justice.
Quant à l’évolution de l’identité noire à travers le cinéma, Justice reste optimiste : « je pense qu’il y aura éventuellement des films avec des protagonistes afro-québécois qui vont être aussi bons, voir aussi inspirants que n’importe quel autre bon film québécois fait dans le passé, et je pense que ça sera à la fois surprenant, mais aussi très normal ».
Le cinéma de Justice : Moyen puissant de communication, de formation et d'identification
À travers son art, Justice Rutikara ne se contente pas de raconter des histoires, il façonne une nouvelle narrative de l’identité québécoise, plus inclusive et plus représentative de la diversité de sa province. Son travail rappelle que l’identité est une réalité complexe et en constante évolution, méritant d’être explorée et célébrée à travers le cinéma.
Son nouveau projet, Ibuka, Justice, est en première canadienne le 22 novembre 2024, aux Rendez-Vous International du Documentaire de Montréal.