Dans le paysage cinématographique québécois, Laurence Lévesque se distingue par un parcours singulier. Loin des trajectoires conventionnelles, sa route vers la réalisation révèle aujourd’hui une cinéaste animée par un désir profond de raconter des histoires authentiques.
Un article de Ben Yahaya Coulibaly et Laury Latreille
Un cheminement progressif vers la réalisation
Contrairement à de nombreux cinéastes, le parcours de Laurence vers la réalisation ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais est plutôt le résultat d’une évolution lente et réfléchie.
« Ça a été un long processus, j’ai fait des études en cinéma à l’Université du Québec à Montréal, donc j’ai touché à plusieurs types de rôles. Cela dit, il n’y a pas vraiment un événement qui m’a permis de devenir réalisatrice ; ça s’est produit petit à petit, à force de faire des courts métrages et de travailler sur des projets ».
Cette approche progressive lui a permis d’explorer différents aspects du cinéma avant de se concentrer sur la réalisation, nourrissant ainsi sa sensibilité créatrice distinctive. Pour Laurence, chaque projet est l’occasion de raconter une histoire : « J’aime réaliser parce que j’ai des choses à raconter. Chaque projet, c’est le désir de parler d’un sujet, de raconter une histoire ».
Port d’attache : Une reconnaissance inattendue
Le court métrage documentaire Port d’attache de Laurence a été un tournant dans sa carrière. Lauréat du Prix du Meilleur Court Métrage National aux RIDM, sélectionné au festival Visions du Réel et finaliste aux Prix Iris du meilleur court métrage documentaire, ce film a propulsé la cinéaste sous les projecteurs.
« Je ne m’y attendais pas du tout. C’est sûr que pour moi les RIDM c’était un grand festival, le seul que je connaissais vraiment, que je côtoyais moi-même comme spectatrice. Juste le fait d’avoir été sélectionnée, pour moi, c’était déjà très grand ».
Cette reconnaissance a mis en lumière le travail de Laurence, soulignant le rôle crucial des festivals de cinéma pour les réalisateur·ices émergent·es. Tout en étant reconnaissante de ces opportunités, Laurence maintient une perspective pragmatique : « Les prix ne sont pas une fin en soi, mais ils offrent une vitrine précieuse. Ils permettent au film de circuler, d’atteindre un public plus large, qui est l’essence même de notre métier de cinéaste ».
Okurimono : Un premier long métrage intime
Le premier long métrage de Laurence, Okurimono, est né d’une histoire personnelle, plutôt intime. Relatant l’histoire de Noriko, sa belle-mère, la démarche de la réalisatrice était empreinte d’incertitudes quant à la légitimité et à l’orientation même du projet.
« Au départ, j’hésitais à aborder cette histoire, n’étant pas moi-même japonaise. L’angle du film restait flou, et je ne souhaitais pas particulièrement me concentrer sur la bombe atomique, un sujet déjà largement traité au cinéma ».
Au fil du temps, Laurence et Noriko ont tissé des liens étroits. La protagoniste a partagé avec la réalisatrice ses regrets de n’avoir pas suffisamment questionné sa mère de son vivant. Cette confidence a profondément marqué Laurence : « Cela m’a fait réaliser que, bien que mes parents soient encore là, je ne pense pas spontanément à les interroger sur leur passé. C’est souvent après coup qu’on prend conscience de l’importance de ces échanges ».
En parallèle de ces conversations intimes, Laurence a eu l’opportunité de séjourner à Nagasaki, dans la maison familiale constituant le cœur du film, enrichissant ainsi sa compréhension de l’histoire de Noriko.
« Dès qu’on est arrivé, Noriko m’a mentionné que la famille allait démolir la maison, et je me suis donc dit : c’est ça, l’angle du film. À partir de ce moment, j’ai commencé à plus sérieusement structurer le film autour de cette quête identitaire ».
La vision unique du cinéma documentaire de Laurence Lévesque
Le travail de Laurence Lévesque illustre la richesse du documentaire contemporain : un art où l’intimité le dispute à l’universel. Entre exploration personnelle et engagement artistique, sa démarche témoigne d’une génération de cinéastes réinventant les frontières du récit, un plan après l’autre.
OKURIMONO, sélectionné notamment au Festival Visions du Réel, au Festival Hot Docs (où Laurence a remporté le prix Earl A. Glick pour cinéaste émergent) ainsi qu’aux RIDM, prendra l’affiche dès le 17 janvier dans plusieurs régions du Québec.